" La fleur améliore l'image de la ville et crée du lien social "

« Notre ville souffre d'un handicap d'image, reconnaît Sylvie Sagne, directrice du service Nature et cadre de vie des Mureaux. Et au sein d'une structure comme la nôtre, chaque agent et moi-même avons à coeur de changer cette image. » La commune des Yvelines n'est pas de celles qui font rêver : 31 000 habitants en banlieue parisienne, des barres d'immeubles, le RER un peu miteux pour y accéder... On ne s'attend pas à trouver là une cité labellisée « 3 fleurs » depuis 2014.

- Comment faire dans un tel contexte ? « La fleur ! C'est de la joie gratuite pour tout le monde, répond la directrice dans un grand sourire. C'est donner du bonheur aux gens. La fleur est un sujet très intéressant pour tous, y compris pour le personnel. Il faut oser. On peut surprendre, tout au long de l'année, avec des végétaux et des associations étonnantes. Par exemple, le mélange choux et narcisses, - dont je n'étais moi-même pas convaincue au départ -, a donné un effet très réussi au printemps. » Et c'est tout cela qu'ont voulu démontrer Sylvie Sagne et ses équipes en co-organisant les 12es Carrés fleuris de Graines Voltz, en accueillant des responsables et chargés de fleurissement, et en témoignant lors d'une table-ronde sur le thème « Comment le fleurissement peut changer une ville ? ». « Cet événement, très important pour notre équipe a été un projet mené tous ensemble ; il a permis de responsabiliser chacun des membres. Nous avons montré notre capacité collective à relever des challenges. Cela permet aussi de tisser et de renforcer des réseaux. Nous avons beaucoup de retours positifs sur cet événement. »

- Croiser des regards... Pour Sylvie Sagne, l'embellissement passe, en effet, par tous les acteurs : habitants, architectes paysagistes et bien entendu personnels du service. « Nous avons créé un groupe de travail. Le but est de croiser les regards et de motiver tous les salariés. La fleur est un sujet qui donne envie à tout le monde, qui améliore l'image de la ville et crée du lien social. » Cependant, il ne s'agit pas seulement de faire de la fleur pour la fleur : « Il faut réfléchir à la localisation des massifs. Nous devons savoir changer, tirer tous les avantages du patrimoine existant, faire attention aux points névralgiques, aux axes de circulation, qu'ils soient routiers ou piétonniers. La forme du massif, le contenant, tout a de l'importance pour créer une vision agréable et colorée. » Les arbustes et les plantes grimpantes sont utilisées pour constituer un fond mettant les couleurs en valeur.

- C'est une réussite sociale... Pour les habitants, Les Mureaux a développé divers axes de communication : « Fleurs en Seine », par exemple, tous les ans début septembre, rassemble 17 000 personnes, ainsi qu'un troc de graines en juin. Les jardins pédagogiques sont étendus, plus de 100 parcelles individuelles de 80 m2 sont regroupées autour d'un espace collectif d'éducation et d'échanges : « Nous allons créer 4 000 m2 supplémentaires et 150 familles sont en attente d'une parcelle de jardin vivrier. » La ville accueille par ailleurs 4 hectares d'espaces cultivés par les Jardins de Cocagne, structure d'insertion qui produit des légumes vendus en panier. « Notre métier, c'est de créer du beau dans la vie ; le végétal est un facteur de pacification. Nous constatons d'ailleurs très peu de vols ou de vandalisme dans nos aménagements », affirme avec satisfaction Sylvie Sagne. « Au-delà des catalogues de plantes et du management, il y a l'audace. Elle est plus développée dans le privé que dans le public. »

- Le management passe par la responsabilisation. Au-delà de la fleur, l'objectif de la directrice est également d'optimiser la motivation des équipes autour d'une ville propre, belle et agréable. Son service emploie 80 personnes. Pour elle, le management structurel hiérarchique semble dépassé. La fleur et le végétal ne seraient peut-être que des outils transactionnels pour aborder l'humain et lui donner joie et sourire côté habitants, et lui apporter motivation et réalisation côté personnels du service.

Dans ce dernier, Sylvie Sagne met en oeuvre un management de responsabilisation : « Nous cherchons à mobiliser les bonnes personnes, c'est-à-dire celles qui ont le potentiel adapté, sur les bons projets. Il s'agit de repérer quel type de responsabilité je peux confier à chacune, pour qu'elle laisse s'exprimer son potentiel tout en se sentant à sa juste place. C'est une question d'adéquation. Quand on donne la responsabilité d'un projet à un membre d'une équipe, on acte cette fonction. Cela développe la motivation, l'implication et offre la possibilité d'oser des choses nouvelles. » La créativité doit ainsi pouvoir s'épanouir. Un management par l'intelligence humaine libère la créativité de chacun, permet à chaque individu de réaliser son objectif. Oser, c'est la finalité. L'an passé, par exemple, un agent a proposé de sculpter des animaux dans des bois de récupération. De grosses fourmis ont alors pris place dans les massifs fleuris. « Cette décoration en matériaux recyclés est très originale », commente Sylvie Sagne. « Je pense qu'elle a contribué à l'attribution de la "3e fleur". » Dans un autre domaine, c'est le chef de la production qui a pris les premiers contacts et a négocié avec la société Graines Voltz pour l'organisation des Carrés fleuris. « Comme elles sont écoutées, les personnes ne se censurent plus. Leur créativité est facilitée et l'état d'esprit a changé. » Cette orientation managériale qui remet l'humain au coeur des structures et des décisions, Sylvie Sagne la pratique depuis 25 ans : « La promotion interne ne doit jamais être imposée, car elle peut être mal vécue. Aux Mureaux, j'ai modifié l'organisation du service pour trouver la bonne place pour une personne. C'est du management au quotidien et aussi via l'entretien d'évaluation. Au cours de cette rencontre, je demande à chacun de se projeter dans l'avenir, de savoir comment il souhaite progresser. En discutant avec les agents, je leur montre que les choses peuvent être possibles. La confiance accordée permet de vaincre la peur de ne pas réussir et ouvre la porte pour avancer dans une nouvelle fonction. Quand les personnes sont à l'aise dans ce qu'elles font et qu'elles se sentent légitimes, c'est bien pour tous, y compris pour la ville. Et pour le fleurissement ! »

Cécile Claveirole